Le complexe de Babel
(traduit du polonais par Maryla Laurent – Seuil)
« Tu vois, toi aussi tu pourrais ! » Le narrateur de ce récit sent encore peser sur ses épaules toutes les ambitions de sa mère pour un fils qu’elle voudrait prodige, celui qui, de toute la famille, irait le plus loin. Mais cette mère possessive, frustrée par l’échec de sa vie amoureuse et sa piètre condition sociale, reste déçue dans ses attentes : le régime politique, les privations, les difficultés sociales à faire entendre sa voix ou, plus simplement, à communiquer, n’épargnent personne – pas même son fils.
Pendant la journée du 17 janvier 1997, au cours de laquelle se déroule le roman, le narrateur se remémore le quotidien banal et émouvant de sa famille dans une Pologne bouleversée par l’Histoire. En ce jour symbolique – le 17 janvier 1945, l’Armée rouge libère la capitale polonaise de cinq ans d’occupation allemande – les souvenirs affluent et le bilan de sa vie de quadragénaire met en relief sa crainte constante de ne pas être à la hauteur et son incapacité de parler des langues étrangères.
Ce même jour est aussi marqué par l’anniversaire du mariage de ses parents et le départ à la retraire de son père, qui se prépare à fêter modestement la fin de ses quarante ans de service à la pharmacie d’un hôpital de Varsovie.
Derrière la toile froissée du quotidien, le narrateur tente, avec pudeur, de recoller les morceaux épars d’un passé historiquement marqué, étonné de pouvoir parler autant.