Les ruines de deux vies

Publié le par L'inopinée

Les Hirondelles de Kaboul, Yasmina Khadra

 

 

Deux parcours de vie qui vont tragiquement se rejoindre dans un Kaboul ruiné par la guerre, obscurci par les talibans qui veillent avec brutalité et violence. Lapidations, exécutions publiques, femmes transformées en fantômes à l’apparition furtive, enfants déguenillés qui errent dans les rues en quémandant à manger : voilà la vie quotidienne dans une ville meurtrie et meurtrissante.

Atiq est le gardien de la prison pour femmes. Pour lui, les barreaux sont, plus que matériels, des entraves psychologiques. Sa femme, Mussarat, est malade, d’un mal que les médecins ne parviennent pas à guérir. Sa douleur et sa langueur sont vécues par Atiq comme une injure, pourtant il supporte encore moins les efforts de sa femme pour remplir malgré tout ses devoirs d’épouse. Traînant sa peine depuis la maison d’arrêt jusqu’à chez lui, Atiq réagit avec violence à toute cette mascarade et s’enferme de plus en plus en lui-même alors qu’il constate que même ses « amis » et collègues participent avec ironie à la déchéance de Kaboul.

Mohsen, lui, a presque tout perdu. Il lui reste son épouse, Zunaira, qu’il aime passionnément et qui lui donne la force de continuer à vivre. Mais Zunaira est une femme fière, avocate désormais condamnée à se cacher du regard des autres. Sous l’insistance de Mohsen, qui aspirait à un peu de plaisir hors du taudis dans lequel leur vie s’épuise, Zunaira revêt l’humiliant tchadri et sort dans les rues avec son bien-aimé. Mais c’est se bercer d’illusions, et un court instant de rire suffit à s’attirer les foudres des talibans. C’est alors que la vie du couple bascule véritablement dans l’enfer : Zunaira, perpétuellement voilée, fuit tout contacta avec son mari – jusqu’à ce que l’irréparable survienne.

Alors, la douleur et l’anéantissement de Kaboul se fraient un chemin dans le cœur des personnages, dévastant tout sur leur passage, comme une rivière en crue. Il n’en restera pas grand-chose.

Un texte poignant, presque dérangeant : où est la part d’humanité de ces soldats qui patrouillent dans Kaboul, de ces gens déchaînés qui assistent à des exécutions jusqu’à en devenir les principaux acteurs ? Ce roman est une vision cauchemardesque d’un monde que l’on voudrait bien tenir pour irréel.

Publié dans Romans étrangers

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